Le doublé magique de Pinot et Gahié

Impériales tout au long des éliminatoires, Margaux Pinot et Marie-Ève Gahié se sont retrouvé face-à-face en finale de ces championnats du monde 2024. Une première entre deux athlètes françaises qui a vu Pinot s’adjuger son premier titre planétaire.

Concurrentes pour le leadership national de la catégorie depuis deux olympiades, les deux athlètes Parisiennes viennent d’entrer dans l’histoire du judo français aux Émirats arabes unis. Si elles avaient toutes les deux atteint le podium lors de l’édition 2019 – Marie-Ève Gahié emportant l’or après que Margaux Pinot ait gagné son combat pour le bronze, elles n’avaient pas eu l’occasion de s’affronter. Cette fois, le tirage avec été clair : seule une finale pouvait leur permettre de se mesurer. Encore fallait-il écarter toute concurrence, venue des quatre coins de la planète.

Marie-Ève Gahié / Margaux Pinot (mai 2024) 1

En piste dès les 1/32es de finale, Pinot démarrait timidement sa journée, ne se défaisant de la Brésilienne Ellen Froner, troisième du Grand Chelem de Paris 2023, qu’au jeu des pénalités. Le combat suivant s’approchait lui aussi de la fin des quatre minutes réglementaires lorsqu’elle parvenait à place une clé de bras à la Hongroise Szabina Gercsak, vingt-deuxième mondiale, tandis qu’il lui fallait près de sept minutes pour mater l’Australienne Aoife Coughlan, vice championne continentale 2024 et membre du top 10 mondial, d’un seoi-otoshi (renversement d’épaule). Le cap des quarts ainsi atteint, la championne olympique par équipes de Tokyo basculait alors dans une autre dimension, contrôlant habilement la Japonaise Shiho Tanaka, en or aux derniers Jeux d’Asie, pour la faire exclure après un nouveau marathon de sept minutes, avant d’expédier en demie la Grecque Elisavet Teltsidou, numéro 1 mondiale, en moins de vingt secondes, sur un petit fauchage intérieur sublime d’impact. Un coup d’éclat qui lui assurait déjà un second podium planétaire, cinq ans après le précédent au Japon.
Marie-Ève Gahié (mai 2024)Dans le même temps, c’est une Marie-Ève Gahié explosive qui traversa le début de journée, trop forte pour la Britannique Katie-Jemima Yeats-Brown, la Danoise Laerke Olsen et la néo-Italienne Kim Polling, toutes dépassées par la vista des grands fauchages extérieurs de la sélectionnée olympique. Et que dire de sa demi-finale, qu’elle attaqua en sachant le résultat de Margaux Pinot dans l’autre moitié de tableau. La Belge Gabriella Willems, inattendue à ce niveau de la compétition, allait subir la foudre à deux reprises en moins de deux minutes, impuissante à contrecarrer la grande histoire qui était alors en train de s’écrire.
Margaux Pinot (mai 2024)Deux heures plus tard, c’était donc parti pour cette première finale franco-française, sans coach sur les chaises pour les épauler. Un duel intense et âpre qui n’allait trouver son dénouement qu’au début du golden score, quand Margaux Pinot anticipa parfaitement le spécial de sa camarade de club pour pivoter ses appuis et enchérir sur la même technique, pour le waza-ari de la délivrance. La trente-deuxième championne du monde seniors tricolore pouvait exulter. « J’ai connu une saison compliquée, avec notamment ma non-sélection olympique pour Paris, mais j’ai beaucoup travaillé pour rebondir. Ça n’a pas payé aux championnats d’Europe il y a quelques semaines, j’étais revenue de Zagreb extrêmement déçue, et aujourd’hui mon judo ressort comme j’aime le pratiquer, c’est juste énorme ! C’est un rêve de gosse qui se réalise, alors que cette compétition reste un rendez-vous ultra-difficile. J’ai dû enchaîner six combats aujourd’hui, et je termine sur cette projection contre Marie-Ève en contre, domaine dans lequel on me voit généralement très peu. C’est aussi un soulagement après toutes les galères que j’ai pu connaître, et je ne peux que remercier ceux qui me soutiennent au quotidien, comme le PSG Judo qui m’a sollicitée l’été dernier et grâce à qui j’ai trouvé une ambiance de travail très carrée, idéale pour progresser aux côtés de Damiano (Martinuzzi) et de Nicolas (Mossion). On a recadré les choses, répété inlassablement et ça paie aujourd’hui, j’en suis très heureuse. »
Débarquant quelques instants plus tard en zone mixte, c’est une Marie-Ève Gahié souriante qui revenait sur sa troisième finale mondiale après 2018 (argent) et 2019 (or). « Bien sûr que j’aurais voulu prendre ce deuxième titre mais, à deux mois des Jeux, il faut savoir tout prendre. J’ai réussi à mettre des choses en place toute la journée, à travailler au sol par exemple, mais aussi à faire tomber. Et même s’il y a deux-trois filles qui seront à Paris cet été qui n’étaient pas présentes, je suis contente d’avoir su relever ce challenge que constituaient ces mondiaux. Si cette médaille m’amène à l’or olympique, pas de souci à avoir perdu aujourd’hui ! Cela ne change finalement pas grand-chose dans ma préparation, si ce n’est que ce revers en finale va me rebooster pour retourner au travail après quelques jours de repos. Je vais aussi retenir tout le positif de cette journée pour avancer sur les Jeux. »
Spectateur attentif de ce duel 100% Rouge et Bleu, l’entraîneur principal Damiano Martinuzzi ne pouvait que tirer son chapeau devant la performance de ces protégées. « Même s’il y a évidemment des sentiments partagés, avec de la déception pour l’une et de la joie pour l’autre, nous ne pouvons pas nous plaindre d’avoir au club deux championnes de leur trempe. Rares sont les nations qui peuvent se réjouir d’avoir une finale mondiale avec deux de leurs athlètes, alors un club ! C’est juste incroyable, et nous étions les plus heureusement de voir les deux entonner la Marseillaise ensemble sur le podium. Les deux pouvaient prétendre au titre mais il n’y en qu’un seul de décerné, c’est la règle du jeu. C’était que la meilleure gagne, et cette fois c’est Margaux qui s’est imposée. Pour que l’histoire soit encore plus belle, il ne reste plus qu’à Marie-Ève d’aller chercher l’or olympique fin juillet. »

Audrey Tcheuméo (mai 2024)

Également engagée ce jeudi, la quintuple championne d’Europe Audrey Tcheuméo (-78kg) passa quant à elle tout proche de sa cinquième récompense planétaire, après avoir remonté les repêchages suite à sa défaite en quarts contre l’Italienne Alice Bellandi. Elle attaquait son combat pour le bronze tambour battant, d’un enchaînement de petits fauchages intérieurs qui faisaient décoller la Britannique Emma Reid pour un waza-ari que la Française parvenait à enchaîner au sol. À quelques instants d’atteindre les dix secondes d’immobilisation qui lui aurait garanti sa place sur le podium, son adversaire la renversait d’un coup de reins de la dernière chance et la plaquait sur les deux épaules pour arracher la médaille. Rageant pour la double médaillée olympique…

Alexis Mathieu (mai 2024)

De l’amertume, il y en avait également du côté d’Alexis Mathieu, impeccable pour déraciner le copieux Bulgare Ivaylo Ivanov au premier tour avant de se faire sortir ensuite par le Cubain Ivan Felipe Silva Morales. Le compteur se stabilisait donc à trois médailles pour le PSG Judo sur ces championnats, avec une récompense de chaque métal, pour le meilleur total de l’histoire de la structure. Vivement Paris !