Aleksa Mitrovic, engagement total
De retour à la compétition en ce début d’année après plus de deux ans et demi de convalescence, le médaillé mondial juniors 2022 ne veut surtout rien regretter. Même privé des ligaments de son genou gauche, c’est vers l’avant que se porte son regard de combattant.
Saint-Gratien, Podgorica, Saint-Raphaël… Depuis un mois, le quotidien d’Aleksa Mitrovic est redevenu celui d’un judoka de haut niveau, enchaînant les combats – seize – en compétition pour emmagasiner de l’expérience et déceler les axes de travail à prioriser une fois de retour à l’entraînement. Deux médailles de bronze sur les tournois français, une septième place lors de coupe européenne monténégrine, mais l’essentiel est ailleurs pour le Niçois de vingt-trois ans. « Si j’enchaîne toutes ses sorties, c’est avant tout pour ne rien regretter après toutes les galères que j’ai connues, expose-t-il avant de retracer le calvaire qui est le sien depuis maintenant près de deux ans et demi. Alors que je sortais de ma plus grosse saison, avec ma victoire aux championnats de France juniors, mes médailles de bronze aux championnats du monde juniors et aux championnats d’Europe moins de vingt-trois ans, ma sélection par équipes mixtes aux championnats du monde seniors de Tashkent où nous finissons deuxièmes, un Japonais s’assoit sur mon genou lors d’un stage là-bas et mon ligament antérieur du genou gauche cède.
Sauf que le postérieur avait déjà lâché en début d’année… Il n’y avait plus rien à tenir, et j’ai donc dû me résoudre à me faire opérer. Dans ma tête, j’étais encore en course pour les Jeux olympiques de Paris et le diagnostic de six mois de convalescence du chirurgien, qui s’était déjà occupé de moi avec succès en 2019, ne contrariait pas totalement mes plans. Sauf qu’au retour à l’entraînement, sous mes nouvelles couleurs du PSG Judo, je voyais bien que quelque chose clochait, que je n’étais pas stable et que je ne pouvais pas enchaîner plusieurs séances dans la même séance. L’IRM que je passe à ce moment-là me révèle que l’antérieur est de nouveau rompu, tandis que je n’ai plus que 50% de mon postérieur, sans qu’il ne se soit rien passé ! On prend la décision de repasser par la case "opération", en janvier 2024, même si je dois tirer un trait sur les Jeux, afin de repartir définitivement sur de bons rails ensuite. Là, les conditions sont affreuses, avec six semaines sans poser le pied par terre ni plier le genou, puis six autres avec une attelle articulée avec 35% de flexion. Mais je respecte le protocole jusqu’au bout, avec un retour progressif vers les charges lourdes au bout de six mois. »
La rentrée 2024 se déroule sans encombre, de même que le stage club de novembre au Japon avec, en prime, le retour des sensations sur les tatamis. De quoi inciter le staff à l’intégrer à l’équipe parisienne qui remporte la première Champions League de l’histoire en fin d’année à Montpellier, avant d’envisager son retour sur le tournoi international de Visé en Belgique au mois de janvier dernier. « Quelques jours avant ce tournoi, lors d’une séance à l’INSEP, c’est le déclic : je fais tomber tout le monde pendant quatre combats, reprend le natif de Nice. Sur le cinquième, je lance mon grand fauchage dans une position qui m’est favorable, et j’entends craquer mon genou. L’IRM du lendemain est sans appel : les deux ligaments sont de nouveau rompus… J’ai beau tout faire pour revenir, j’en viens à me dire que mon corps ne le veut pas… Pour comprendre pourquoi, je cumule les avis chirurgicaux, et personne n’est en mesure de me certifier que l’histoire ne va pas se répéter encore et encore. Des "peut-être" qui ne me conviennent pas du tout, alors que j’ai déjà beaucoup sacrifié pour le judo. C’est là qu’un chirurgien me demande si j’ai déjà essayé de faire du judo sans mes ligaments. Je lui réponds que non, et l’idée germe dans ma tête que je n’ai rien à perdre à tenter le coup. Je tente peut-être l’impossible, mais je ne pourrai pas dire que je n’ai pas tout essayé pour réussir. »
Et cette solution, qui s’accompagne en contrepartie de séances quotidiennes de renforcement des jambes, porte pour le moment ses fruits, à la plus grande joie de Damiano Martinuzzi, entraîneur principal du PSG Judo admiratif du comportement de son protégé. « Étant donné qu’Aleksa n’est pas du genre à faire les choses à moitié, je ne peux pas dire que je sois surpris du chemin qu’il décide d’emprunter. En revanche, je ne peux que saluer son courage. À chaque sortie, il y a du mieux, il prend conscience des éléments à améliorer dans ses schémas – un premier pas indispensable pour progresser – et nous ne pouvons que le soutenir dans ce travail laborieux, où il va aller chercher pourcent après pourcent pour atteindre son meilleur niveau. Aleksa sait faire tomber, il doit désormais apprendre à mieux gérer ses combats, à être plus rigoureux sur le plan tactique. Sa démarche est exemplaire et, les choses pouvant aller très vite dans le judo, rien ne dit jusqu’où il peut prétendre à briller. » Un modèle d’abnégation et de persévérance qui n’a définitivement pas dit son dernier mot en judogi.