Teddy Riner : « Très envie de cette Champions League »

À quelques semaines de son retour à la compétition avec le PSG Judo à Belgrade pour le championnat d’Europe des clubs, le champion du monde 2023 dévoile sa feuille de route jusqu’aux Jeux et son état d’esprit du moment.

Première question simple : comment vas-tu ?
Ça va ! Avec mon équipe, nous sommes en train de préparer ces Jeux olympiques, c'est la dernière année. Donc là, on est parti sur un gros bloc de travail avec le staff : douze semaines de travail de musculation, du judo et de la technique autour de mon harai-goshi, mon uchi-mata…

Cela fait presque dix-huit ans que tu es chez les seniors, que travailles-tu physiquement maintenant ?
Toute la structure : force, vitesse, dynamisme, endurance de force. Il n'y a pas de chaîne oubliée. On a des bons préparateurs qui savent ce qu'ils font. À trente-quatre ans, ça fait un certain moment que je fais du judo. Donc je dois faire attention à toutes les alertes que le cerveau peut envoyer.

Quel va être ton programme pour les mois à venir ?
La prochaine compétition pour moi sera la Champions League avec le club en décembre. Et tant qu'on n'a pas fini ce bloc de travail avec le staff, on ne va sur aucune compétition, on ne propose rien. C'est l'année olympique, c'est vraiment à la carte. Il y a certes l’enjeu de la ranking list. Si je suis dans les huit premiers, je serai tête de série. Mais si on ne le sent pas et qu’il faut limiter les sorties puis aller directement au Jeux, ça sera comme ça.

Ce classement n’est donc pas un impératif pour toi ?
Non, parce que, de toute façon, quoi qu'il arrive, même s’il y a des bons côtés à être dans les huit premiers, il faut battre tout le monde pour être champion olympique.

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Que gardes-tu des championnats du monde de Doha ?
Forcément une grande fierté puisque ça faisait six ans que je n'étais pas remonté sur le tapis pour un championnat du monde. Physiquement, je n'étais pas au top parce que je m’étais blessé à deux semaines de la compétition.

Il y avait une grosse partie de mental alors…
Ça n’a été que du mental ! Et un travail d'équipe, aussi. Ce n’est pas facile tous les jours. Et c'est encore moins facile quand on a déjà tout gagné. Donc oui, je suis très, très content d’avoir remporté ces championnats du monde. Mais il a fallu vite tourner la page quand même. On n’a pas eu le temps de profiter, de fêter, parce qu'il fallait se reconcentrer. J'ai eu à peine deux semaines de break, puis nous sommes repartis à l’entraînement. J'aurais peut-être dû couper un peu plus. Mais ça va.

On ne t’a pas beaucoup entendu sur cette finale, avec un titre également décerné après coup au Russe Tasoev plusieurs jours après la finale…
Parce que j'attends de disputer les Jeux pour dire ce que je pense, et surtout envoyer un gros message sur certaines vérités qui méritent d'être dites.

Un mot sur tes adversaires quand même ?
Aujourd'hui, ce n’est plus la catégorie que j'ai connue à mes débuts. La plupart des -100kg sont montés chez les lourds. Donc on peut dire que j'ai un peu changé l'image de cette catégorie. C'est une fierté puisqu'avant on ne faisait pas forcément attention à son poids. On ne mettait pas le point sur ce côté athlétique qui fait la différence aujourd'hui sur les compétitions. Donc oui, c'est une catégorie qui a bien changé. Une catégorie avec beaucoup de jeunes. Je fais partie des plus vieux…

Mais tu as aussi été le plus précoce…
Oui, la roue tourne, et l'horloge aussi. J’en prends conscience. Maintenant, il y a de la place. C'est à moi d'être sérieux, c'est à moi d'être mieux entraîné, d’avoir les crocs les plus acérés.

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La Champions League, dans trois semaines, est très attendue par le club…
J’ai envie moi aussi de remporter cette médaille d’or. Ça me ferait vraiment plaisir. En plus, on a une belle équipe. Je pense qu’on a de plus en plus de beaux éléments au club. Donc ça serait bien de réaliser ça. Mais je pense aussi que l'Europe devrait se mettre à jour par rapport au règlement international. Je ne comprends pas que l’on reste sur cette formule, alors que c’est le format par équipes mixtes qui prime à l'international.

Tu aimerais ça ?
Bien sûr, l'aventure est beaucoup plus marrante, le collectif encore plus soudé. C’est pareil en France. Il y a un règlement international, appliquons-le. Mettons-nous aux mêmes normes que ce qui se passe à l'international. Je pense que c’est vraiment bon pour le judo.

Comment vois-tu ces Jeux qui s'approchent ?
Je vous dirai ça quand je serai prêt, en janvier. Aujourd'hui, je réponds qu’on en est loin. Mais dès que je vais arriver à mon meilleur niveau, à être bien, tout va rouler dans ma tête. Et là, on va continuer à pousser le mental et le corps. Aujourd'hui, je ne veux pas trop qu’on me parle des JO, nous ne sommes pas prêts. J’ai l’habitude, ce ne sont pas mes premiers Jeux. Pour arriver à son niveau sans se blesser, sans que les bobos ne ressortent, c’est important.

Là, tu es au pied du mur et tu le sens ?
Oui. Je sais que je vais être attendu. En même temps, ce que je veux, c’est gagner, donc c’est normal.

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C’est Paris quand même. Terminer sa carrière sur ça…
L'histoire, elle peut être belle, oui. Mais, on le sait, ça ne se passe pas comme dans un livre. Il va y avoir une guerre.

Il n’y aura peut-être pas les Russes…
Si, ils seront là. Je ne veux pas parler pour certaines personnes. Mais les raisons ne sont pas valables pour tout le monde.

Tu as dit que l'objectif, c'est d'être prêt en janvier. Pourquoi en janvier, particulièrement ?
Parce que si tu es prêt en janvier, peu importe ce qui se passe, tu es prêt. Et il vaut mieux être prêt avant qu’après. Et puis je jauge. Moi, je sais que je suis prêt et qu'on a juste à faire des réglages, telle une Formule 1.

Vas-tu trouver des adversaires quelque part ? Faire des stages ?
Oui, ça, c'est normal. On va continuer comme on a toujours fait cette saison. Il y a un stage au Japon, puis un au Brésil, il va y en avoir un autre au Kazakhstan…

Tu aimes toujours partir ? Ça continue à être un peu excitant ?
C'est excitant quand tu vois des mecs qui te courent dessus pour te combattre. Il n’y a pas de secret. Sur le tapis à l’INSEP, personne ne comprend. C'est moi qui vais chercher et c'est bien dommage. Moi, je me souviens que quand je suis entré en 2004 à l'INSEP, même si c'était une génération différente, j'allais chercher les mecs. Tu veux devenir le meilleur ? Bats-moi avant. C'est assez facile de se cacher derrière des petites victoires. L'entraînement, l’engagement, c'est la base.