Médaillée de bronze à Tokyo, Romane Dicko prend date

À vingt-et-un ans, Romane Dicko était la plus jeune engagée de l’équipe de France de judo. Celle qu’on appelle déjà parfois la « Teddy Riner des féminines », venue le rejoindre au PSG l’année dernière n’avait encore, comme référence, « que » deux belles médailles d’or aux championnats d’Europe 2018 et 2020 et une très longue invincibilité. Pour sa grande première olympique, elle s’est emparée d’une médaille de bronze… et s’offre de très belles perspectives.

Elle a parfois encore des airs de petite fille quand elle sourit, et elle sourit souvent ! Romane Dicko, en effet, championne d’Europe cadettes 2016, juniors 2017, seniors 2018 et 2020, ne perd pas beaucoup. Et depuis son retour de blessure, elle ne fait même que l’inverse, gagner, puisqu’en débarquant à Tokyo en juillet, la benjamine de l’équipe de France n’avait plus lâché un combat depuis le début de l’année 2020, soit cinq médailles d’or consécutives, dont un Grand Chelem à Paris, un championnat d’Europe et un Masters. Excusez du peu !
Mais les Jeux, c’est encore autre chose et l’expérience y est essentielle tant l’engagement des adversaires est à son maximum et la pression extrême difficile à gérer. Même celles que l’on a dominées cinq fois de suite peuvent trouver des ressources et se surpasser ce jour-là, tandis que d’autres, qu’on n’avait pas vues jusque-là à leur meilleur se préparaient dans l’ombre. Engagée à Tokyo sans même avoir fait un championnat du monde, la combattante du PSG avait à la fois distribué les belles promesses et tout à prouver. Une conjonction jamais simple à gérer, encore moins aux Jeux olympiques.

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La puissance de feu de Romane Dicko à fait des ravages au Nippon Budokan de Tokyo. ©Paco Lozano / L'Esprit du Judo


Un stop pour Altheman
Sandra Jablonskyte était la première adversaire proposée à la jeune Parisienne. Une Lituanienne solide physiquement… mais qui résistait moins de vingt secondes à la puissance de bras de Romane et à ses techniques de jambe. Elle était finalement fixée au sol pour le compte. Un début en fanfare. La suite devait être beaucoup plus copieuse, avec une rivale considérable sur tous les plans. La grande et puissante Brésilienne Maria Suelen Altheman, championne panaméricaine, sixième au classement mondial et récemment médaillée mondiale. La confrontation était frontale entre deux colosses au féminin cherchant l’une et l’autre à dominer l’adversaire avec leur bras fort. Radicale, la titulaire des +78kg françaises mettait un tel impact à la Brésilienne que celle-ci cédait physiquement. Manifestement blessée au genou, elle devait renoncer à continuer le combat. Le message était clair pour toutes les prétendantes à la médaille.

Ortiz reste maître des Jeux
Romane Dicko était en demi-finale à Tokyo et ce n’était pas contre n’importe qui. Face à elle, une légende de la discipline, la Cubaine Idalys Ortiz, tout simplement la vice championne olympique 2016, trois fois médaillée au rendez-vous olympien, dont le titre en 2012 ! Un monstre sacré. Lors de leur dernière rencontre, au Masters en janvier de cette année, la Cubaine avait subi la garde irrésistible de la Française et, en tentant de la contrer en l’enroulant au sol avec la main dans le dos, elle avait raté son mouvement et s’était fait clouer au sol. Plutôt bon signe ! Mais si la grande Ortiz, dont le pic de forme est sans doute derrière elle, s’attendait à être « secouée par les jeunes », comme elle le confia ensuite en interview… elle avait aussi bien préparé son affaire. Sur la même donnée de départ – une nouvelle domination de la native de Clamart sur la saisie – la Cubaine tentait d’aller contrôler le bras adverse et de passer en dessous en mouvement d’épaule. La Française insistait et parvenait enfin à prendre le contrôle, mais la championne cubaine, allant chercher le dos de la Française avec le bras, sacrifiait son propre équilibre pour l’entraîner. Comme au Masters, un mouvement risqué, sous la pression… mais alors qu’elle avait raté son coup en janvier, elle réussissait le mouvement parfait en juillet, sur ce combat olympique décisif. Elle marquait waza-ari et parvenait à garder le contrôle du combat jusqu’au bout. L’expérience a parlé.

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Le contrôle final au sol qui offre à Romane Dicko le bronze olympique. © Paco Lozano / L'Esprit du Judo

Une médaille de bronze qu’il fallait prendre
Alors que la Cubaine se hissait à une nouvelle finale olympique, pour une quatrième médaille, magnifique accomplissement de fin de carrière, Romane Dicko, au tout début de la sienne, se retrouvait au purgatoire des demi-finales perdues. Il allait lui falloir des ressources pour surmonter la déception et battre la Turque Kayra Sayit, médaillée mondiale en 2018 et 2019. Heureusement, cette dernière n’avait jusque-là jamais pris une victoire à l’étoile naissante française, qui n’allait pas lui donner l’occasion de commencer à espérer. Il n’y eut pas de suspense. Faisant à nouveau pression sur son adversaire, comme elle sait si bien le faire, elle la déroulait sur le dos en lançant rapidement la hanche et la gardait au sol. Quinze secondes à attendre pour que l’arbitre annonce le ippon. Tout le temps pour savourer sa première médaille olympique, son premier très grand trophée. Il en appelle d’autres. À Paris, dans trois ans, Romane Dicko n’aura que vingt-quatre ans.

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Un doublé en bronze massif pour les deux Parisiens Romane Dicko et Teddy Riner. © Paco Lozano / L'Esprit du Judo