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Teddy Riner au bout de lui-même et en or

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Encore dans toutes les têtes, cette onzième levée mondiale victorieuse a déjà rejoint la légende du plus grand judoka de tous les temps. Une démonstration mentale aux yeux du monde entier, alors qu’il ne se présentait pourtant pas dans les meilleures conditions à Doha.

60%. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est à ce niveau que Franck Chambily, son coach en équipe de France depuis son premier sacre olympique à Londres en 2012, estime la forme que présentait Teddy Riner sur ces championnats du monde de Doha. Touché au pied droit quelques jours avant de s’envoler pour le Qatar, le Parisien est entré en mission à la ABHA Arena, comme pour mieux répéter ce qui pourrait lui arriver dans un an aux Jeux olympiques de Paris. Rien ne lui serait offert, et c’est au petit trot qu’il lançait sa chevauchée vers le bloc final, d’un sasae-tsuri-komi-goshi imposé au Roumain Vladut Simionescu, vingt-cinquième mondial, alors que les deux hommes avaient encaissé deux pénalités au préalable. Le Polonais Kacper Szczurowski avait beau rivaliser à la garde, il commettait l’erreur de trop en tentait de saisir le Français sous la ceinture, et se retrouvait disqualifié. Ce qui permettait à Riner de s’avancer face à son premier véritable test du jour, face au Mongol Tsetsetsengel Odkhuu, trois Grands Chelems à son palmarès dont celui de Paris en 2022 et quatrième mondial au coup d’envoi de la journée. Un affrontement à couteaux tirés que Riner s’attachait à dominer physiquement, parvenant à asphyxier son opposant – de dix ans son cadet – jusqu’à l’exclusion finale, après sept minutes de duel.

Teddy Riner (mai 2023) 1

Dès lors, tout ne sera que souffrance. D’abord face au Japonais vice champion du monde 2022 Tatsuru Saito, figure de proue de la nouvelle génération du haut de ses vingt-et-un ans. Un sumo des temps modernes qui allait craquer mentalement comme les autres, ployant sous les coups de butoir d’un Riner pragmatique et extralucide à défaut de virtuosité technique. Avec déjà vingt minutes passées sur les tatamis, le quintuple médaillé olympique avait à peine le temps de repasser par la salle d’échauffement que le speaker annonçait sa demi-finale contre Temur Rakhimov, numéro 1 mondial des lourds représentant le Tadjikistan. Un leader qui allait s’envoler sur le harai-goshi génial du Parisien, après seulement vingt-six secondes d’affrontement, comme pour mieux se préserver pour la finale à venir, sa douzième en championnats du monde depuis 2007 et son premier titre obtenu à Rio de Janeiro. C’était déjà contre un Russe, Tamerlan Tmenov, qui allait le battre un an plus tard en quarts des Jeux olympiques de Pékin. Cette fois, son ultime opposant s’appelait Inal Tasoev, champion d’Europe 2021. Leur dernier affrontement ? En finale du Masters de la même année… à Doha.

Teddy Riner (mai 2023) 2

Impossible pour autant d’y voir un signe prémonitoire, tant le jeune outsider, combattant sous pavillon neutre du fait du contexte géopolitique actuel, apparut comme le plus dangereux du jour. Son étreinte au kumikata faisait grimacer Teddy Riner comme jamais, et son contre – illicite car sans maintien de son équilibre – avait bien réussi à faire chavirer le géant tricolore. L’avertissement en appelait un autre quelques instants plus tard, sur un petit fauchage intérieur astucieux de Tasoev, ce qui exhortait Riner à appuyer une dernière fois sur l’accélérateur. Une ultime attaque en sacrifice, qu’il n’avait pas encore sorti de sa poche ce samedi, suffisait finalement à son bonheur. Six ans plus tard, Teddy Riner remontait sur la plus haute marche du podium planétaire, portant au passage son record encore un peu plus loin hors de portée du commun des mortels. « C’était important d’aller au bout de ces championnats, avec un plateau de cette densité et dans un jour où les sensations et le judo n’étaient pas vraiment au rendez-vous, confiait le désormais undécuple couronné mondial. C’est un bagage qui va forcément me servir pour les Jeux olympiques de Paris l’an prochain. Pour moi, il s’agit de l’une de mes plus grosses journées de compétition de toute ma carrière, si ce n’est la plus grosse. »

« C’était compliqué de se mettre en route, surtout avec ce tableau rendu difficile par le fait qu’il n’était pas tête de série, saluait de son côté Djamel Bouras, président du Paris Saint-Germain Judo. Mais Teddy a fait étalage de son intelligence, faisant physiquement craquer un à un ses adversaires alors que l’on pouvait craindre sur pour lui sur cet aspect. Ce qui est beau avec les champions, ils savent ce qu’il faut faire pour le devenir. Il a su se remettre en question, surpasser les périodes de blessure, se montrer patient sans jamais arrêter pour autant : c’est la légende du judo, pour tous les temps. »

Un sentiment partagé par Florent Urani, entraîneur du groupe élite. « Le fait de le voir encore sur le tapis, malgré tout ce qu'il a déjà gagné, et se faire autant mal pour encore aller chercher un titre, alors qu'il possède moins de marge qu'auparavant sur la concurrence, c'est vraiment fort. En termes de dépassement de soi et de combativité, c'est évidemment un exemple pour tout le club. Et quand, alors que ses partenaires d'entraînement le félicitent de sa journée, il en profite pour parler de l'objectif des France par équipes de la fin du mois, on ne peut qu'être admiratif de la mentalité du bonhomme. »

Une victoire qui permet au PSG Judo de repartir du Qatar avec deux médailles, avec celle, en bronze, obtenue en début de championnats par Amandine Buchard (-52kg). Un bilan identique à celui réalisé à Tashkent il y a sept mois. En attendant l'épreuve par équipes mixtes, qui vient clôturer ces championnats du monde, avec trois Parisiens dans le groupe tricolore : Marie-Ève Gahié (-70kg), Romane Dicko (+70kg) et Alexis Mathieu (-90kg).